Par Yann MOULIER-BOUTANG — L’ensemble des mouvements sociaux et intellectuels qui se sont cristallisés dans le phénomène d’une gauche révolutionnaire ou contestataire renouant avec la tradition des années vingt, n'a-t'il pas su répondre que de façon purement négative au problème posé par la conquête d’espace de transformation? N’a-t-il pas buté, lui aussi, sur l’écueil traditionnel dans les démocraties représentatives d’une alternative piégée basculant d’un réformisme velléitaire et impuissant à un terrorisme hémiplégique et tout aussi inconséquent. Dans un cadre dominé par une forte crise des paradigmes classiques de référence, n’a-t-il pas été atteint aussi, sans parfois bien s’en rendre compte, par...

Par Stella FIHN et Lily ZALZETT — Pour recruter, les associations usent et abusent de la rhétorique de l’engagement. Mais il apparaît aussi un nouveau discours pour vendre ces postes : des affiches fleurissent qui vantent la possibilité d’augmenter ses revenus, de compléter un temps partiel. L’argumentaire s’adresse donc à des galériens et à des galériennes, et ne cherche plus vraiment à mettre en avant des considérations politiques ou éducatives....

avec Annabelle BERTHIAUME - Si la gauche considère depuis longtemps, l'usine comme le lieu ultime de l'exploitation de ses ouvriè·re·s, dans le livre Te plains pas, c'est pas l'usine, Lily Zalzett et Stella Fihn proposent de tourner leur regard vers les milieux associatifs en France. Un peu comme dans les organismes communautaires au Québec, les associations françaises se présentent souvent comme des espaces où se construisent et se mettent en forme des utopies, où le travail se ferait en accord avec des valeurs sociales et non avec la recherche de profit....

Par Camille MARCOUX et Etienne SIMARD — Or, à partir des années 1960, les universités deviennent des usines. Elles représentent un passage obligé, concrétisé par l’obtention d’un diplôme qui n’est plus dorénavant une marque de privilège. La démocratisation de la fréquentation universitaire faisait d’ailleurs partie d'un plan explicite et élaboré du capital: la classe ouvrière recevra une éducation supérieure....

Par Émilie BERNIER — Parce que le sentiment d’impuissance n’est qu’un des dispositifs du régime postfordiste d’accumulation, je propose de refuser d’y obtempérer, de subir l’acheminement du monde vers la ruine comme nous semblons disposés à le faire. Une telle posture n’a rien d’utopique ; elle est celle ce qui assume, sans nostalgie, scrutant avec résolution et dignité les ambivalences du présent, la dépense totale et sans reste de toute puissance productive....

SALAIRE, REVENU ET DETTE - Dans le cadre de ce premier appel de textes, la revue Ouvrage sollicite les contributions de militant·e·s, de chercheuses et de chercheurs pour réfléchir aux questions de salaire, de revenu et de dette dans une perspective contemporaine ou historique. Quels bilans faire des luttes passées ? Comment penser les allocations d’urgence (PCU, primes covid, etc.) dans le rapport salarial ? Quels sont les rapports de la gauche avec ces nouvelles prestations ? Comment s’y prendre pour penser les « sans-salaires » dans un monde centré sur le travail ? Quelles réponses collectives donner à l’endettement...

Par Éloi HALLORAN et Camille TREMBLAY-FOURNIER — Dans le contexte de pandémie, les structures physiques de l’éducation postsecondaire sont plus ou moins complètement remplacées par des structures numériques. Bien que cette tendance précède le contexte actuel, la mise en ligne de l’éducation postsecondaire repose maintenant presque exclusivement sur le domicile étudiant comme nouvel espace de travail. Le numérique passe ainsi d’une médiation du travail étudiant entre l’école et la maison à sa domiciliation presque complète. Tout cela est médié par leurs connexions Wi-Fi, que les étudiant·e·s partagent bien souvent avec leur famille ou leurs colocataires, comme iels partageaient autrefois les chemins...

Par Jason READ — À partir de Hegel, nous pourrions dire que l’État doit continuellement maintenir le lien entre les significations éthique et économique du travail, entre le travail en tant que discipline et le travail en tant que production de biens et de services nécessaires réparant ce que le capital lui-même brise par l’automatisation des emplois. C’est l’État qui nous dit que tous les emplois sont essentiels. L’idéologie dominante qui nous dit que « nous travaillons pour gagner notre vie » présente une relation artificielle et médiatisée comme une relation naturelle, ce qui transforme le fait plus complexe que...

Par Christina ROUSSEAU — Dans ce texte, j’examine l'émergence de Wages Due Lesbians, un groupe lesbien qui faisait partie de la branche canadienne de l’organisation féministe marxiste Wages for Housework. En faisant une étude de cas historique, je revisite la notion de «visibilité» en rapport à la maternité lesbienne au Canada dans les années 1970 en analysant les luttes pour le bien-être social, pour la garde des enfants et contre la violence. À travers cette étude de cas, je présente les idées en évolution constante en ce qui a trait à la respectabilité et à l'homosexualité, à partir des années 1970...

Une conversation avec la théoricienne Leigh Claire La Berge à propos du concept de travail démarchandisé, qu’elle propose pour penser le travail après la financiarisation. Soulignant l’omniprésence du travail et la disparition des salaires dans notre moment contemporain, La Berge propose une analyse et une périodisation de la relation capital-travail à la lumière de la récente explosion de formes non rémunérées de travail. C’est cette situation, où travailler plus implique d’être payé moins, voire pas du tout, qu’elle souligne par le travail démarchandisé, dont les sites d’emploi combiné et inégal se multiplient, de la télé-réalité à l’exercice de la citoyenneté,...