Faerie Fire – Sur l’histoire queer révolutionnaire: première partie

Par VALERIE TOVY
Publié le 2 juin 2021

Dire que « Stonewall était une émeute » est devenu en quelque sorte un cliché durant les dernières années parmi les personnes LGBT. Ce qui était initialement une tentative sincère de réinjecter un peu d’énergie radicale dans une communauté qui a depuis longtemps été cooptée par l’empire est devenue aussi futile et cooptée que le drapeau arc-en-ciel lui-même. Des figures de proue telles que Marsha P Johnson et Silvia Rivera, rejetées par leurs contemporain·e·s lorsqu’elles vivaient encore, sont maintenant cyniquement réclamées par les mêmes opportunistes superficiel·le·s qui les ont laissé·e·s mourir en premier lieu. Alors que des organisations comme Gay Shame, No Pride in Prisons/People Against Prisons, les DeGenderettes et d’autres font le travail nécessaire de combattre le culte de la personne queer colone respectable, la majorité des personnes queers blanches ont été achetées et revendues il y a très longtemps, et celles qui ne l’ont pas encore été (les femmes trans blanches, par exemple) semblent déterminées à accéder à ce culte à tout prix. En effet, il semblerait, à première vue que, malgré quelques moments spectaculaires où notre rage s’est déchaînée en violence anti-policière (l’émeute de Compton’s Cafeteria, Stonewall, les émeutes de White Nights), notre mouvement s’est toujours battu pour une place au sein de, et non contre, l’empire. — VT

Daan Botlek - Diorama Obscura

Ça semble être le cas, mais c’est loin d’être la réalité. Quoique les débuts du mouvement queer (pour les fins de cet article, le militantisme LGBT dans la décennie qui a suivi la rébellion de Stonewall) ont inclus des embarras tels que la Gay Actvist Alliance, qui s’est séparée du Gay Liberation Front à cause du soutien de ce dernier aux Black Panthers, il a également inclus de nombreux autres courants et figures plus révolutionnaires. Du Combahee River Collective à la George Jackson Brigade et ainsi de suite, l’histoire de la libération queer est pleine d’alternatives révolutionnaires au culte colon banlieusard qui se donne le nom de Communauté queer. C’est notre responsabilité en tant que révolutionnaires, queer ou non, de comprendre ces courants et leurs histoires afin d’accomplir le travail difficile de bâtir un mouvement révolutionnaire, anti-impérialiste et communiste au sein de nos communautés et de combattre l’idéal colon gai.

Une note sur le vocabulaire

Certaines personnes s’objecteront à l’utilisation de terme « queer » dans cet article. Récemment, parmi les lesbiennes plus jeunes et orientées vers le séparatisme dans la communauté en ligne, ce terme a été critiqué car il efface les spécificités de l’identité et de la communauté lesbienne, tout en étant une insulte dont la réappropriation ne fait pas l’affaire de tous·tes. En tant que lesbienne (gouine, en fait, mais disons lesbienne pour les fins de cette discussion) avec des antécédents à la périphérie des espaces trans lesbiens séparatistes, je suis sympathique à ce point de vue, même si je ne suis pas d’accord en fin de compte. C’est le devoir de tout·e bon·ne révolutionnaire de s’enraciner auprès des masses et de ne pas être condescendant.e envers elles. L’utilisation du langage des masses et non du jargon trop académique (et disons-le, le séparatisme lesbien est entièrement un phénomène petit-bourgeois académique) est une partie essentielle de cette tâche. Dans mon expérience, la majorité des personnes queers de la classe ouvrière utilisent le terme « queer » pour se décrire jusqu’à un certain point, alors c’est dans l’intérêt de rejoindre autant de prolétaires homos que possible que j’utilise ce langage.

Le Combahee River Collective

Formé en 1974 après la conférence régionale de 1973 de la National Black Feminist Organization, le Combahee River Collective (CRC) a été fondé afin d’ajouter une voix lesbienne noire plus radicale à la libération des femmes. Nommé d’après le Raid de la rivière Combahee de 1863 mené par Harriet Tubman, elles ont choisi cet événement dans l’histoire non seulement pour son importance antiesclavagiste, mais aussi parce que le raid de la rivière Combahee représentait la première stratégie militaire conçue par une femme. La déclaration du collectif, publiée en 1977, condamne le capitalisme-impérialisme, le patriarcat, et le mouvement des femmes blanches qui exigeait que les femmes rejettent les hommes dans leur ensemble afin de se rallier, peu importe leur race ou leur classe. Ce féminisme lesbien explicitement afrocentriste représentait la fine pointe du féminisme révolutionnaire dans les 1970s dans les soi-disant États-Unis, et il tient encore cette position à ce jour.

La déclaration du Combahee River Collective est probablement mieux connue, à tort ou à raison, pour avoir inventé le terme « politique identitaire ». Ce terme est devenu en quelque sorte un épouvantail pour la gauche, avec le boys club rouge qui ridiculise la politique identitaire et juge qu’il s’agit d’un des plus grands problèmes auxquels la gauche fait face aujourd’hui. Lorsque nous lisons ce que le collectif a réellement écrit à propos de la politique identitaire, par contre, nous trouvons une forme de politique qui est considérablement différente de l’épouvantail construit par la gauche blanche aujourd’hui. Le collectif définit la politique identitaire de la manière suivante : 

C’est dans le concept de politique de l’identité [identity politics] que s’incarne notre décision de nous concentrer sur notre propre oppression. La politique la plus profonde et potentiellement la plus radicale émane directement de notre propre identité – et non pas de luttes pour en finir avec l’oppression d’autres personnes. Dans le cas des femmes Noires, il s’agit d’un concept répugnant, dangereux, menaçant et donc révolutionnaire, car au vu de l’ensemble des mouvements politiques qui nous ont précédé, il est évident que n’importe qui mérite davantage sa libération que nous. Nous rejetons les piédestaux et nous ne voulons ni le titre de reines [queenhood], ni marcher dix pieds en arrière. Être reconnues comme humaines, tout simplement humaines [levelly human], nous suffit.

Le boys club gauchiste d’aujourd’hui ferait bien de s’intéresser sincèrement à la quantité de mouvements qui ont été détruits par leurs prédécesseur·e·s en exigeant que l’on se concentre sur une conception extrêmement étroite de la classe. Cet accent sur les hommes blancs qui formeraient la majorité de la classe ouvrière est tout aussi faux qu’il l’était dans les années 1970, 1920 et même celles d’avant. Même Lénine, tordu et transformé en père favori des hommes blancs qui jouent aux communistes aujourd’hui, a décrié les socialistes qui se concentraient uniquement sur les strates supérieures des travailleur·eure·s, l’aristocratie ouvrière, rappelant aux socialistes que « notre devoir, par conséquent, si nous voulons rester des socialistes, est d’aller plus bas et plus profond, vers les masses véritables : là est toute la signification de la lutte contre l’opportunisme et tout le contenu de cette lutte ». Le Combahee River Collective s’est précisément identifié comme étant parmi les plus bas et les plus profonds niveaux des masses, alors leur décision de s’organiser par elles-mêmes sans prendre le chemin du séparatisme représente une pratique anti-opportuniste, et non une forme « d’opportunisme identitaire » que les aspirants patriarches accusent les communistes noir·e·s de pratiquer aujourd’hui.

La déclaration du CRC se poursuit : 

Nous rejetons les piédestaux et nous ne voulons ni le titre de reines [queenhood], ni marcher dix pieds en arrière. Être reconnues comme humaines, tout simplement humaines [levelly human], nous suffit.

Nous pensons que la politique sexuelle, sous le patriarcat, joue un rôle aussi important dans la vie des femmes Noires que les politiques de classe et de race. Souvent aussi, nous avons du mal à séparer les oppressions de race, de classe et de sexe, parce que fréquemment, dans nos vies, nous en faisons l’expérience simultanée. Nous savons qu’il existe cette chose : une oppression raciale-sexuelle, ni seulement raciale, ni seulement sexuelle – comme le montre par exemple l’histoire de l’utilisation du viol des femmes Noires par des hommes blancs comme arme de répression politique.

Ceci est une leçon que le mouvement communiste colon, du moins le segment qui a un potentiel de rédemption, commence enfin à comprendre grâce aux autrices comme Butch Lee et Silvia Federici. La naissance du capitalisme a été un processus genré et racial qui est inséparable du colonialisme et de la désintégration du pouvoir des femmes. Ainsi, le prolétariat est aujourd’hui et a toujours été composé de femmes colonisées et esclaves, de personnes vivant une oppression de genre, et d’hommes. En fait, les hommes des nations opprimées n’ont jamais eu le droit au statut de vrai homme (lire : homme blanc), d’où la raison pour laquelle les salauds de colons les traitent de « garçons ». Cela rend le refus du séparatisme par le CRC d’autant plus important. Elles ont reconnu que, quoiqu’il soit important pour les femmes blanches de s’émanciper des hommes blancs afin de mettre fin à ce qu’elles appelaient la « solidarité négative entre oppresseur·e·s raciaux·ales » des femmes blanches, les femmes noires peuvent et doivent s’unir avec les hommes noirs progressistes et combattre la misogynie avec eux afin de construire le pouvoir noir et de renverser le capitalisme-impérialisme. Comme elles le disent dans leur déclaration : 

Nous avons conscience que la libération de tous·tes les opprimé·e·s requiert la destruction des systèmes politico-économiques capitaliste et impérialiste, aussi bien que du patriarcat. Nous sommes socialistes, parce que nous pensons que le travail doit être organisé pour le bénéfice collectif des personnes qui réalisent le travail et créent les produits – et non pas pour le profit des patron·ne·s. Les ressources matérielles doivent être distribuées également entre les personnes qui créent ces ressources. Pourtant, nous ne sommes pas convaincues qu’une révolution socialiste qui ne soit pas en même temps une révolution féministe et antiraciste garantisse notre libération. Nous avons donc été amenées à développer une compréhension des rapports de classe qui inclut la position de classe spécifique des femmes Noires – généralement marginale dans la force de travail, même si temporairement en ce moment historique précis, nous sommes vues comme des alibis [tokens] doublement désirables dans les métiers de cols blancs et les professions intermédiaires. Nous devons articuler la situation de classe réelle de personnes qui loin d’être des travailleur·euse·s sans race ni sexe, voient au contraire leur vie professionnelle et économique significativement déterminée par l’oppression raciale et sexuelle. Même si nous sommes fondamentalement d’accord avec la théorie de Marx concernant les rapports économiques très spécifiques qu’il a analysés, nous savons qu’il faut poursuivre son analyse pour pouvoir comprendre notre situation économique spécifique comme femmes Noires.

Daan Botlek - Diorama Obscura

Le mouvement lesbien blanc n’a jamais produit quoique ce soit d’aussi révolutionnaire, loin de là. En nous contentant de nous cacher dans des communes coloniales dans les régions sauvages de l’Oregon ou occasionnellement de tirer sur Andy Warhol, les sections de la libération des femmes blanches et des lesbiennes qui ne suivaient pas le chemin du réformisme-carriérisme ont largement suivi celui du séparatisme et de l’individualisme. Anuradha Ghandy, théoricienne féministe prolétarienne et leader au sein du Parti communiste d’Inde (maoïste) a identifié avec précision ce courant plus « radical » comme étant tout aussi réformiste. Le Combahee River Collective, d’autre part, représentait le germe d’un courant plus incendiaire et beaucoup plus révolutionnaire au sein de la libération lesbienne et du féminisme en général. Loin de la politique représentative étroite ou bourgeoise, le genre qui nous implore de soutenir la diversité au sein de la police et des pilotes de drones, le CRC a vu son rôle comme étant celui des fossoyeuses du capitalisme-impérialisme dont l’oppression n’avait pas encore été adéquatement théorisée et comprise. C’est la responsabilité de tout·e soi-disant·e révolutionnaire, surtout pour nous en tant que personnes queers, d’étudier la déclaration du CRC, de la reconnaître comme étant un exemple du meilleur de ce que le féminisme noir des années 1970 avait à offrir, et d’en tirer des enseignements en vue d’organiser nos propres communautés opprimées.

Bo Brown, Ed Mead, la George Jackson Brigade et Men Against Sexism

En 2021, avec toute la gérance d’estrade que 50 années de rétrospective nous permettent de faire, c’est facile pour les communistes d’écarter les petits groupes de lutte armée des années 1970. Après tout, qu’est-ce qu’était le Weather Underground si ce n’est que la négation de la lutte de classe par des hippies universitaires blanc·he·s qui avaient trop peur de se déclasser [declass] elleux-mêmes? Même celleux parmi nous qui acceptent la nécessité d’une guerre populaire urbaine (ou une guerre civile révolutionnaire, nommons-la comme on veut) rejettent ces petits groupes de lutte armée, jugés comme des déviations ultra-gauchistes. Il est important de se rappeler, par contre, que dans la période chaude des années 1960 et 1970, plusieurs militant·e·s de la classe ouvrière ont pris les armes parce qu’iels croyaient que la révolution était sur le point de se produire et que l’expérience de combat, et non seulement les manifestations armées telles que promues par Weather, était nécessaire s’iels espéraient gagner.

Je dis bien « de la classe ouvrière » et non « étudiant·e·s » parce que je fais référence au George Jackson Brigade. Formée à Seattle en 1975 par sept militant·e·s, la brigade était unique parmi les groupes de lutte armée de son époque parce qu’elle était composé presque entièrement d’ex-prisonnier·ière·s de la classe ouvrière, était racialement diversifiée, et était composée à moitié de femmes, la moitié d’entre elles étant des lesbiennes. La brigade était également diversifiée au niveau idéologique, composée de communistes marxistes-léninistes et d’anarchistes.

Plutôt que de se voir comme l’avant-garde armée de la révolution et de tenter d’inciter une insurrection générale à travers la violence, la Brigade se voyait plutôt comme l’aile armée des masses révolutionnaires en général. Ainsi, iels ont seulement ciblé des entreprises et des organismes gouvernementaux qui étaient déjà ciblés par les mouvements et les luttes de masse. Iels ont bombardé le bâtiment du Department of Corrections à Olympia, Washington, ce qui a mené à la libération des Walla Walla Brothers du confinement solitaire à la prison de Washington State. Iels ont bombardé l’entreprise de service City Light à Seattle en solidarité avec les travailleur·euse·s de l’électricité en grève, qui ont tenu une ligne de piquetage autour de l’immeuble brûlé afin d’empêcher les scabs de le reconstruire. Iels ont bombardé le Bureau of Indian Affairs en solidarité avec le American Indian Movement, un entrepreneur en construction raciste en solidarité avec les travailleur·euse·s noir·e·s, et un magasin Safeway en solidarité avec le syndicat United Farmworkers. Le bombardement du Safeway a été le seul qui ait provoqué des blessures, et la Brigade a publié ses excuses et une autocritique pour cette action, devenant le seul groupe de lutte armée aux États-Unis à faire ainsi.

Deux membres, pour les fins de cet article, permettent de distinguer clairement la Brigade des autres petits groupes de lutte armée de son époque : Bo Brown et Ed Mead.* Bo et Ed n’étaient pas les seul·e·s membres queer de la Brigade, mais étaient les plus actif·ve·s. Bo Brown, une lesbienne butch de classe ouvrière provenant de Klamath Falls, a lu le livre Blood In My Eye de George Jackson alors qu’elle purgeait une peine pour avoir volé du bureau de poste où elle travaillait. Ayant reçu le livre en cadeau d’une prisonnière noire qu’elle a seulement connu sous le nom de Pearl, elle était en pleine lecture lorsque George Jackson a été tué. Les femmes noires de la prison ont appelé à une grève sur le tas d’une journée en solidarité avec le Panther assassiné. Moins d’un mois plus tard, lorsque le soulèvement de la prison Attica a été noyé dans le sang, les femmes noires se sont assises pendant une semaine en guise de protestation. Bo, qui à ce point ne connaissait rien d’autre à la théorie révolutionnaire que l’idée que les cochons avaient tort et que ses sœurs prisonnières avaient raison, a été changée à jamais par ces événements.

Ed Mead est né dans une famille soi-disant lumpen près de Fairbanks, Alaska. Incarcéré pour la première fois à 13 ans, Ed a passé une bonne partie de sa jeune vie en prison à faire ce qu’il appelait la « vie en plan de versements ». Radicalisé vers la fin des années 1960 alors qu’il était encore en prison, Ed fut libéré en 1972 et a déménagé à Seattle pour « rejoindre la révolution » tout de suite après. Après qu’une tentative échouée de rejoindre la Symbionese Liberation Army ait mené à une leçon sur la fabrication de pipe bombs de la part d’un·e membre du New World Liberation Front (les groupes de gauche armés poussaient comme des champignons à l’époque), Ed, en compagnie de Mark Cook, John Sherman, Bruce Seidel, Bo Brown et d’autres, ont éventuellement formé la George Jackson Brigade en 1975.

Jusqu’à ce point, Ed, qui n’avait eu aucune expérience gaie durant son temps en prison, se considérait toujours comme étant un hétérosexuel. C’est Bo qui a fini par le redresser durant un long voyage en auto. Bo, qui était rendue à ce stade une lesbienne féministe anarchiste dédiée à l’anti-impérialisme ainsi que la voleuse de banque principale de la Brigade (ce qui lui a valu le titre de « gentilhomme voleur de banque » après que des caissier·ière·s aient cru que la très butch Bo était un homme), a dit à Ed qu’elle ne se rendrait pas, sous aucun prétexte, sexuellement disponible auprès des hommes dans la Brigade par souci de libération sexuelle « révolutionnaire » (de telles « libérations » étaient communes dans certains groupes comme le Weather Underground). Bo a insisté sur l’idée que si les hommes dans la Brigade et dans le mouvement avaient autant besoin de fourrer, ils devraient le faire entre eux en laissant aux femmes l’opportunité de se développer politiquement entre elles. Ainsi, à une époque minée par de soi-disant lesbiennes politiques, Ed Mead est possiblement devenu le premier pédé politique [political faggot], ayant aussi loin que de dire qu’un homme ne pouvait pas se dire anti-sexiste s’il n’avait pas mis sa tête entre les jambes d’un autre homme. Cette demande de « virer gai pour la libération des femmes » est devenue le règlement sur les relations au sein du George Jackson Brigade peu de temps après.

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Ed a été capturé en 1975 et envoyé à la prison de Washington State à Walla Walla pour avoir abattu un cochon durant une expropriation bancaire. Rendu là, il s’est immédiatement mis à organiser un groupe pour combattre le viol et l’abus généralisé des prisonniers, particulièrement des prisonniers gais. Ce groupe sera éventuellement nommé les Men Against Sexism. Muni d’armes introduites dans la prison par des partisan·e·s du groupe, coiffé d’une longue chevelure et portant des boucles d’oreille en forme d’étoile, Ed Mead a passé une bonne partie de son temps à Walla Walla en tant que « pédé à pistolet » [pistol-packing faggot]. En utilisant des armes de contrebande, des « cellules sûres » vides et avec l’approbation intermittente de l’administration de la prison, Men Against Sexism a systématiquement écrasé le pouvoir homophobe à Walla Walla et a complètement redéfini ce que ça voulait dire d’être gai en prison.

Bo a été capturée en 1978 et a été envoyée à la prison de sécurité maximale à Alderson, Virginia. Là elle a été codétenue avec Assata Shakur, probablement la prisonnière politique la mieux connue après Angela Davis. Bo et Assata, en tant que révolutionnaires, ont fait face à des menaces et à du harcèlement en prison de la part des gardien·ne·s et du groupe suprémaciste blanc Aryan Sisterhood. Assata désignait affectueusement Bo par le nom de « Brownie » et a continué d’écrire à Bo après qu’elle ait été transférée et se soit éventuellement échappée, ce qui a donné lieu à une semaine de confinement solitaire pour Bo. Bo a révélé dans une entrevue en 2017 qu’elle et Assata avaient été amantes, ce qui démontre à quel point l’histoire révolutionnaire est bien plus gaie qu’on le croit.

La suite des choses

Les chapitres révolutionnaires de l’histoire queer ne sont pas cachés par accident. N’importe quel·le enfant queer qui grandit [aux États-Unis] sera confronté·e tôt ou tard à un système qui les haït. Si les seuls exemples de militantisme queer qui leur sont disponibles sont réformistes et légalistes, alors c’est là où l’énergie queer sera dirigée. C’est dans l’intérêt de l’État d’invisibiliser et de tordre l’activité queer révolutionnaire, afin de prévenir que celleux parmi nous dont les corps et les vies sont constamment contrôlés se rallient à leurs comparses opprimé·e·s dans leur lutte pour renverser l’empire étatsunien. Mon objectif pour la série Faerie Fire est d’apporter une contribution modeste à la mise en lumière et à la popularisation de cette histoire dans l’espoir que mes comparses queer, désenchanté·e·s et brûlé·e·s, puissent se rallier autour d’un chemin différent, un chemin qui sort de l’empire étatsunien moribond et va vers un avenir révolutionnaire.

Daan Botlek - Diorama Obscura

 

Traduction par Paolo LM

Article paru en anglais dans People’s Voice (publication en continu) sous le titre Faeri Fire – On Revolutionary Queer History: Part One

 

Les illustrations sont tirées de l’oeuvre de Daan Botlek.

 

NOTES


 

* Les autres membres, surtout Mark Cook, le seul membre noir de la Brigade qui ait été arrêté et le camarade qui a purgé la plus longue peine de prison à cause des activités de la Brigade, méritent des livres et des livres à propos d’elleux. Mark Cook est un homme hétéro, et donc pas le sujet de cet article, mais son travail en tant que Black Panther, membre de la Brigade, prisonnier et maintenant maoïste abolitionniste autoproclamé devrait servir d’inspiration pour tous·tes les aspirant·e·s révolutionnaires.

 

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